Bien vieillir chez moi, chez nous

« J’y pense tous les jours quand je suis sous ma douche ! » Virginie a quatre-vingt ans et prend conscience chaque jour plus de sa fragilité mais aussi de ses ressources.


La mort brutale de son compagnon avait secoué son cœur : elle aussi avait failli y passer. Désormais, elle met tout en œuvre pour rester chez elle, environnée de ce qu’elle aime. Elle avait fait un tri avant son déménagement il y a dix ans. Aujourd'hui, chaque objet, meuble, tableau résonnent en elle, évoquant une personne, un moment, une histoire. Adapter à son « âge » l’appartement où elle a envie de continuer à vivre, le plus longtemps possible, est sa priorité.

Rapetissant avec humour, elle m’indique un miroir à descendre, des portraits trop hauts aussi. Surtout, un pied de fauteuil empiète sur le passage, deux coins vifs d’un bonheur-du-jour risquent de la blesser, un siège usé limite l’accès à sa penderie. Et il y a les meubles à alléger : c’est l’occasion de redécouvrir des merveilles dont elle n’a plus l’usage. Au-delà du désencombrement, il importe de faciliter les circulations et mouvements du quotidien. Eviter les « acrobaties » nécessite d'abaisser des tablettes, rehausser un fond de placard, déplacer deux patères, un porte-serviettes et autre mobilier, et de remplacer sa baignoire par une douche à l’italienne, avec carrelage antidérapant au sol et barre d'appui. Le siège qui gêne est enlevé par le service de la voirie.

Quant à la ventilation, il importe que l’air circule partout, y compris dans les recoins. Le menuisier détalonne trois portes - cuisine, salle d’eau et WC - et pose une grille dans la plinthe du placard sous l’évier pour que l'air neuf venant de la façade puisse entrer. Dans la salle d’eau, il dépose le cache-radiateur, nid à poussière et obstacle à la diffusion de la chaleur. Il en tire deux tablettes, précieuses. Reste la lumière à doser pour concilier l’éclairement nécessaire à certaines tâches et une atmosphère tamisée pour d’autres. Une lampe et un meuble déplacés, une nouvelle ampoule LED moins puissante font l’affaire.

« Mon appartement est plus doux pour moi maintenant. » Dons à la ressourcerie du coin, interventions d’artisans, Virginie participe d’un écosystème familier au-delà de relations familiales et amicales qu’elle cultive. Elle a déployé autonomie et capacité à transformer son quotidien pour faire place à ses besoins et aspirations. Expérimentations et mises en situations ludiques, partage d’adresses choisies avec soin, ma posture consiste à faciliter ce processus dont ma cliente est l’actrice principale.

Chaque jour, chaque heure, nos besoins évoluent : liberté, sécurité, épanouissement, appartenance, autonomie... Prêter attention à ce qui nous fait lever le matin peut nous engager à transformer notre intérieur, car bien vivre et vieillir chez soi méritent soin et action, pas à pas.