De la peur à l’enchantement

 

Il était une fois une enfant d'une huitaine d'années, au bord d’une mer transparente sous un soleil sans nuage.

 

« C’est comme le vélo, vas-y et c’est tout, encourage l’un.

- Pense à rien », lui dit l’autre. Son grand frère, Paul, et sa mère n’y pouvaient rien.

« L’eau est froide », répétait Jo. Transie, elle restait comme plantée, de l’eau à hauteur de ses genoux.

 

Du rivage, sortant d’une délicieuse baignade, j’improvise cette proposition inspirée par la fillette inconnue en détresse.

Aimerais-tu essayer ma queue de sirène ?

Tout dans son attitude acquiesçait : son regard brillant, sa retenue, son silence. Rose fluo, ma monopalme toute neuve, contrastant avec le bleu de son bikini, venait de s’avérer trop petite pour moi.


Décidée, elle la chausse, et, d’un bond, se laisse glisser dans l’eau depuis le bord du ponton, entre sa mère et moi. « Jo, vas-y », dit son père. Spontanément, elle ondule, malhabile. Son regard m’interroge. Avec un large sourire, je lui souffle : « Imagine que tu danses comme une sirène ! ». Sa nage s’assouplit et s'affirme. Jo hèle alors : « Papa, mets-toi un peu plus loin ! Ça me rassure. » Elle s’élance le long du ponton pour le rejoindre et reviens à son point de départ.


Ravie, Jo se hisse à bout de bras sur le ponton et s’assied. « Est-ce que cela te ferait plaisir que je t’offre ma queue de sirène ? ». Joséphine ne dit mot. « Elle est à toi. » D’un élan reconnaissant, la fillette m’enlace. A trois ans, elle avait failli se noyer. 

 

J’ai vécu ce conte il y a peu. De la terreur à l’enchantement, l’espace est parfois infime, mais nos cellules se souviennent. En prendre conscience aide à oser se libérer de freins, engrammés en nous.